Premier article de ce blog. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un blog "secondaire", mon blog principal étant http://musicalanscape.fr (aussi sur cowblog). Je souhaiterai recueillir un maximum d'avis, en prenant aussi en compte qui vous êtes. Vous pouvez rester anonymes, mais si vous commentez et êtes d'accord, j'aimerai savoir votre sexe, votre âge, et vos habitudes de lecture (fréquence, quels types d'ouvrages, etc)... Dans tous les cas, j'espère que ce début vous plaira. Les premiers chapitres seront assez courts, mais plus on avancera dans l'histoire, plus ils seront longs. Le chapitre un est assez différent du reste du livre... ne soyez donc pas désarçonnés quand je mettrai en ligne la suite. Sur ce, je vous fait un simple copier coller de la "vraie" mise en page de mon premier chapitre, en ajoutant une image pour rendre cela moins aride... bonne lecture !


 

Chapitre un

 

Solitude désertique

 

http://brouille-mot.cowblog.fr/images/desert11.jpg

 

         La chaleur étouffante de l’astre solaire existe-t-elle ? Au bout de plusieurs jours d’Exil, la jeune femme ne sait plus si tout cela est réel ou non. Tout n’est que fournaise, torpeur, désespoir, souffrance. Le début de ce cauchemar a-t-il commencé hier ou aujourd’hui ? Elle se retrouve malgré elle dans ce lieu maudit, avec pour seul compagnon de route sa propre voix, affaiblie, presque inaudible. Elle s’entend clairement parler mais ne sait plus si ses cordes vocales sont vraiment en action ou si ce qu’elle perçoit est simplement le fruit de son esprit lui jouant un mauvais tour.    
         Elle ne sait plus si son passé, qui l’a normalement menée ici, est réel. Elle ne sait plus ce que son cerveau a inventé et ce qu’elle a réellement vécu. Le doute infiltre son système nerveux, s’insinue dans ses veines et l’empoisonne depuis ce qui lui semble des journées, mais peut-être s’agit-il de mois, d’années, ou simplement de minutes. Grâce à elle, le temps n’existe plus, et comme pour ajouter un peu d’ironie à sa situation désespérée, elle se raccroche à lui, fidèle compagnon de son infortune et de sa déchéance.              
         Y a-t-il une chance de revoir un jour de la verdure ? Tout ce jaune pâle à perte de vue lui donne le tournis, et ça n’est surement pas le ciel, coloré d’un bleu menaçant, qui va lui permettre de reprendre ses esprits. Elle a envie de croire qu’elle est capable de s’en sortir. Elle continuera sa route et survivra, peu importe le prix à payer pour y parvenir.

 

Comme une pierre coulant au fond de l’océan, elle plonge dans les méandres tortueux de son esprit, suivant le mouvement de ses pieds meurtris qui s’enfoncent dans le sable brûlant. Chaque pas pourfend tout son corps comme un poignard invisible, aussi acéré que les griffes ayant pris la place de ce qui fût jadis ses ongles, petites œuvres d’art miniatures, bien manucurés et vernis à la perfection.                
         Les blessures augmentent en nombre et en force à chaque pas, mais elle sait que la douleur est son allié le plus précieux. Tant que la chair à vif touchant le sol brûlant lui fera monter les larmes aux yeux et parfois même crier, alors elle saura qu’elle est en vie. La souffrance physique n’est pas un frein à son périple. C’est elle qui fait grandir sa détermination à chaque seconde qui passe et qui lui offre un bouclier pour parer les attaques de son plus grand ennemi : elle-même.     
         L’étau enserrant son âme tente sans cesse de reprendre le dessus en la tourmentant violemment. La chaleur lui fait perdre toute notion du temps et de l’espace. Est-elle réellement là où elle pense se trouver ? Elle regarde autour d’elle et ne voit que du sable à l’infini, dans toutes les directions. Elle est la seule existence organique dans cet espace minéral. Pourquoi lutter ? Pourquoi avancer ? Elle a perdu tout ce qu’elle avait. Sa famille, ses amis, et bien sûr, Lui. Celui à qui elle a tout donné. Le seul dont l’intellect a dépassé le sien, perçant ses défenses mentales, torturant ses méninges, détruisant ses synapses, pour finalement briser son esprit et la conduire là où elle se trouve aujourd’hui.
         Désormais prisonnière, elle est perdue en plein milieu du Désert de la Solitude, seul endroit au monde d’où personne n’est jamais revenu après avoir été condamné à l’Exil.

 

Situé au beau milieu du Pacifique, c’est l’endroit le plus chaud au monde. Aucune végétation ni aucune faune n’y est recensée. C’est un endroit maudit, souvent qualifié d’Enfer sur Terre. Maintenant qu’elle se retrouve prise au piège ici, elle comprend mieux d’où vient ce surnom. La chaleur est telle que lorsqu’elle succombera, ça ne sera pas la faim où la soif qui l’emportera, mais bien la canicule extrême qui l’aura fait littéralement cuire de l’intérieur.     
         Souriant pour elle-même, elle revoit les images d’un dessin animé de sa jeunesse. Dedans, le diable voulait s’emparer de certains êtres humains pour les déguster, ces derniers étant représentés comme des poulets en train de rôtir. Voilà où l’a menée sa crédulité : cuire à petit feu, comme un vulgaire poulet ! Ça lui apprendra à ne pas avoir mieux défendu les droits des animaux lorsqu’elle faisait encore parti de l’Humanité.

 

Comment les événements ont-ils pu dégénérer ainsi ? Elle regarde le ciel comme elle aurait regardé son reflet dans le miroir quelques mois auparavant. Elle aurait contemplé son visage inexpressif, masquant parfaitement son optimisme légendaire et sa bienveillance envers les autres. Douce, attentionnée et altruiste, comment toutes ces qualités remarquables se sont-elles retournées contre elle ?
         Elle, dont le secret de la beauté résidait dans sa bonne humeur permanente, la voici transformée en un monstre repoussant. Ses longs cheveux, d’habitude soyeux et noirs comme l’ébène, sont devenus une crinière ébouriffée, rêche et grise, salie par l’air poussiéreux qui l’entoure. Comme un prolongement de sa personnalité, sa chevelure a tout perdu de son éclat passé. À la fois couronne d’épine et chemin de croix, elle sait que sa nouvelle apparence sera son fardeau jusqu’à son dernier souffle.       
         Mais que la mort s’empare d’elle ou non, qu’importe ? Elle a toujours eu l’allure d’un cadavre à tout point de vue, si bien que quelques années auparavant, ses camarades de classe l’avaient surnommée, avec toute la bienveillance du monde, " la Morte ". Sa minceur irréelle a toujours laissé voir chaque os de son squelette, son teint a toujours eu une lividité plus grande que celle d’un être décédé depuis plusieurs semaines, et ses yeux vitreux ont toujours été décorés de cernes profondément creusées au-dessus d’une bouche trop souvent dépourvue de sourire. Elle a toujours été la Morte, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne. Vivante par les pensées et par les faites, mais morte par l’apparence.
         Depuis sa naissance, elle vit avec ce corps qui la trahit. Et pourtant, malgré son teint cireux et tous ses autres défauts, elle s’est toujours sentie heureuse, bien dans sa peau. Véritable séductrice depuis son adolescence, son physique n’a jamais été un handicap pour pouvoir charmer les hommes qu’elle désirait voir dans son lit, au contraire.        
         Elle se rassure en se disant que la froideur naturelle de son corps peut enfin se révéler utile. Peut-être que ses membres gelés l’aideront à combattre l’environnement belliqueux dans lequel elle se trouve. Elle qui se plaignait constamment d’avoir froid aux mains ou aux pieds, elle ne pensait pas qu’un jour, ces derniers seraient si brûlants que se balader sur des braises serait aussi agréable que de fouler la plus douce des moquettes.
Elle a toujours adoré marcher pieds nus. Quel regret que de ne pas avoir mieux entrainé sa voute plantaire à supporter des épreuves réellement dangereuses. Le pire qu’elle ait fait connaître à ses petits petons de femme casanière se résume aux divers objets traînant en bas de son lit, sur lesquels elle marchait immanquablement à chaque réveil. On est très loin du sable brûlant décorant sa peau d’innombrables écorchures.

 

Elle revoit alors les murs roses de son appartement et se met à repenser à sa vie passée. Prendre un bain, faire du shopping, sentir l’odeur de la pluie, éclater lentement du papier bulle, conduire à 200 km/h sur une autoroute vide. Tous ces petits plaisirs qu’elle appréciait tellement, mais aussi les corvées quotidiennes diverses et variées : sortir le chien, faire le ménage et la vaisselle, les discussions entre " amis ", les ballades en amoureux… tout ça, elle ne le reverra surement plus jamais. Elle sait qu’elle a perdu ce qui faisait d’elle une personne unique, avec une vraie personnalité. 
         Désormais, elle n’est plus qu’une entité privée de toute identité, luttant pour sa survie. Adiema, jeune femme citadine accro au poisson pané et à la cigarette n’est plus. Terminé les journées entre copines et les soirées à traîner sur des réseaux sociaux au lieu de se mettre à jour dans son travail. Maintenant, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, perdue au milieu d’un océan de sable ardent et dangereux. Masse informe composée d’os, de chair et de sang, étrangement bien habillée – une robe rouge moulante qu’elle portait lors de soirées chics – pour la situation, elle n’est reliée à la vie que par un simple miracle qui prendra bientôt fin.

 

Elle se remémore les événements qui ont eu lieu ces dernières semaines et qui l’ont menée là où elle se trouve maintenant. Ils défilent à une vitesse folle et sont pourtant d’une précision déroutante. Sa rencontre avec Neir, la découverte fantastique et pourtant si regrettable qui s’en suivit, l’ouverture du pont reliant Nadia et Vera, l’Accusation, le Procès, le Verdict et finalement, l’Exil. Si seulement elle avait exercé un autre métier, si seulement elle n’avait pas oublié ses clés ce jour-là, si seulement elle avait pris le temps de réfléchir plutôt que d’agir sous l’influence de sa passion, rien de tout cela ne serait arrivé. Si elle avait appris à garder sa méfiance naturelle, comme elle l’avait toujours fait avant l’incident, elle n’aurait pas laissé la situation lui échapper. Comment a-t-elle pu être aussi naïve ? Elle a perdu le contrôle sans même s’en apercevoir, et aujourd’hui, exilée en plein cœur du Désert de la Solitude, elle ne ressent plus la douleur harassante infligée par le Soleil. Elle n’est qu’une âme en peine, errant sans but, habitée par la colère, la tristesse et le remord. Elle ne veut plus se battre. Toute sa vie, elle s’est battue, en vain. C’est terminé, elle abandonne.

 

Des larmes se mettent à couler le long de ses joues. À peine ont-elles quitté ses yeux qu’elles s’évaporent dans l’air aride. Peut-être est-ce une impression ou la réalité, mais la chaleur lui semble soudain bien plus grande qu’auparavant. Comme une sorte de regain d’espoir, son instinct de survie l’extirpe de ses pensées autodestructrices et lui permet de continuer à avancer. Elle lutte de toutes ses forces pour ne pas succomber à la douleur fulgurante qui s’empare de son être. Son sang bouillonne et la brûle comme de l’acide.        
         Elle crie alors que le soleil redouble de force pour lui assener un uppercut en plein estomac. Le souffle d’Adiema est coupé. Elle est tétanisée comme jamais elle ne l’a été. Sa vue se trouble progressivement, comme si un brouillard surnaturel envahissait le paysage. L’horizon se déforme en ondulant tel un anaconda impitoyable. Il se resserre autour de son cou et l’étouffe jusqu’à ce qu’elle s’écroule. Tout son corps s’affale et le sable meurtrier profite de l’occasion pour carboniser une grande partie de son corps.        
         Elle tente de se relever, mais sa grande taille et son estomac vide ne l’aident pas à se remettre sur pieds facilement. Déployant le peu de ses forces restantes, elle relève un genou. Sa main appuyée sur le sable la fait souffrir atrocement, mais elle oublie la douleur, et, criant de rage, elle se remet debout. Elle respire difficilement et tout son corps tremble. Elle doit continuer. Ce désert ne sera pas son tombeau !